Récit : l'aventure des highlines à Freyr

Article paru dans la revue trimestrielle du Club Alpin Belge "Ardennes et Alpes" n°179 :

Je n'arrive pas à la calmer cette maudite sangle. Je n'arrive pas à me relâcher. Lorsque l'esprit (où l'instinct de survie) ne veut pas, le corps ne suit pas et l'expérience s'avère effrayante, violente, éreintante. J'ai pourtant envie de marcher là dessus. C'est tellement magnifique. Mais chaque pas est une lutte.

Avec les amis, on a mit des heures à installer cette highline entre le Mérinos et les Cinq Ânes. C'est tellement dur d'expliquer ce qui se passe là haut. Je suis dans un autre monde. Je l'ai déjà ressenti plusieurs fois cet état où tout se met bien dans ta tête, dans tes jambes. Cet état où tu ne dois plus te battre comme un possédé. Cet état où tu arrives à respirer, où la peur disparait presque.

L'aventure commença fin 2012.

J'écris au Club Alpin Belge pour leur demander si ils pourraient nous aider à sécuriser les installations de highline à Freyr en ajoutant quelques points d'ancrages indispensables. Il y a déjà eu des highlines à Freyr. D'abord sur le Louis-Philippe puis entre ce même rocher et la Jeunesse. Nous utilisions alors les ancrages des voies d'escalade. Autant dire qu'il fallait faire avec ce qui avait et que ce n'était pas idéal vu les tensions exercées.

Réponse intéressée et positive.

Début de l'année, nous avons rendez-vous plusieurs fois avec Marc Debaecke, le gardien des rochers. Nous ajoutons des ancrages sur la Jeunesse puis sur le Louis-Philippe. Quel plaisir de faire ce travail avec Marc. Et quel plaisir d'être soutenu par sa fédération.

Cette highline, nous l'avions faite à maintes reprises. Maintenant, son installation garantira une sécurité optimale pour ceux qui voudront faire de même.

En quête d'un nouveau challenge, nous voulions trouver sur ce même site de Freyr une ligne plus aérienne et plus longue. Les secteurs du Mérinos et des Cinq Ânes s'avèrent idéaux pour le cadre qu'ils proposent. Juste au dessus du Château.

Nous retrouverons Marc dès les premiers jours de beau temps, en mai, et rendons possible l'installation de la plus grande highline de Belgique. La longueur est de 55 mètres à une hauteur d'environ 70 mètres. Il nous faudra trois tentatives pour que quelqu'un réussisse à marcher toute la longueur sans tomber.

D'abord fin juin. Le vent et la pluie nous empêchent de mettre de la tension dans la slack. Et rien que le passage de la sangle d'un côté à l'autre s'était avéré difficile. Deuxième essai pendant deux jours en juillet. Nous parvenons à l'installer (déjà un exploit) mais pas à marcher la totalité. Les conditions étaient parfaites mais le mental ne suivait pas, nous étions impressionné par tant de gaz.

Nous revenons finalement pendant trois jours en août. La team habituelle n'est pas complète. Benoit Poisson est blessé au genou. Bram Boelens est en Bolivie. ToMa Flipo est rentré chez lui à Annecy. Se rajoutent à Vincent (Bob) Verdoot et moi-même : le fameux Sean Villanueva, toujours partant pour les sensations fortes, notre nouveau highliner Olivier Furnémont et l'ami suisse Jules Guenin.

Il faut d'abord arriver à appréhender la ligne, ce n'est pas donné à tout le monde de juste pouvoir s'asseoir sur la slack. Si tu est trop tendu, la slack bouge en te renvoyant ton stress et c'est juste très difficile. Deux tentatives peuvent te suffire pour la journée et ceux qui n'ont pas d'énormes bleus aux jambes sont bien heureux ! Les autres qui arrivent à se mettre debout ressentent la peur de n'avoir rien en main et même les chutes en se rattrapant à la slack sont dures. On est tout petit. Se lever en ayant que du vide devant soi n'est vraiment pas naturel. Se battre à chaque pas avec cette peur et ce sentiment d'insécurité demande une énergie mentale énorme. L'appel de la terre ferme, de ses bières spéciales et de ses bonnes frites ne nous aidant pas plus.

Alors quand à force d'abnégation tu parviens à marcher, c'est simplement magique. Tu ne comprend pas comment cela arrive mais tu sais que tu peux. C'est une joie intense quand enfin tu arrives à garder ta concentration pour faire toute la traversée.

Nous serons trois à la traverser cette ligne qui représente tellement pour nous. Bob, Sean et moi-même. Cette aventure nous à tous rapproché, nous nous sentons si bien dans ce lieu magique.

Merci Freyr, merci Marc, merci le CAB, BeSlack et tout ceux qui y ont cru.

D'autres photos de Fabrice Butaye sur son site Taurylios

Gallerie photo de Olivier Vandenbroucke ainsi qu'une vidéo réalisée quelques mois plus tard.

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